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Le peintre Turner et sa descendance contemporaine exposés au Grimaldi Forum, à Monaco

Dans les années 1968 et 1969, Mark Rothko décida de céder neuf des trente tableaux, qu’il avait initialement réalisés pour le Seagram Building de New York, à la Tate Gallery de Londres, où ils sont entrés juste avant sa mort, en 1970. Parmi les motivations du peintre américain, il y avait la perspective déterminante d’être accroché non loin des œuvres de l’Anglais Joseph Mallord William Turner (1775-1851), dont le musée londonien possède la plus importante collection au monde, 32 000 pièces en tout (tableaux, dessins, aquarelles), léguées par leur auteur à la nation britannique. Un peintre dont Rothko disait, avec un beau sens de l’ironie : « Ce Turner me doit beaucoup ! »
A voir la dernière salle de l’exposition que le Grimaldi Forum, à Monaco, consacre à Turner et à une sélection de sa descendance contemporaine, on comprend pourquoi : Elizabeth Brooke, la commissaire, qui est aussi « chargée de mission curatoriale pour les partenariats internationaux » de la Tate, a crânement accroché, l’un à côté de l’autre, un tableau intitulé Trois marines, peint par Turner vers 1827, et une œuvre sans titre (Untitled, 1969) de Rothko. La parenté formelle est patente.
C’est tout l’enjeu de cette exposition que de montrer l’actualité de ce peintre depuis longtemps disparu, en mêlant près de quatre-vingts œuvres de Turner (trente-huit toiles et quarante œuvres sur papier) aux travaux de quinze artistes contemporains, qui peuvent revendiquer ce que le sous-titre de la démonstration nomme le « sublime héritage ».
Cette notion de « sublime », qui ouvre le parcours avec une citation du critique anglais John Ruskin (1819-1900), très proche de Turner, a un sens bien particulier en histoire de l’art. Elle s’oppose généralement à celle de « pittoresque », littéralement « digne d’être peint », laquelle relève d’un registre que l’on peut qualifier de plutôt gentillet, et concerne une nature qui, par sa grandeur ou son déchaînement, nous dépasse, voire inspire de l’effroi. Pour Ruskin, elle désignait aussi tout ce qui « élève l’esprit ». Et donc, selon lui, en premier lieu la peinture de son ami Turner.
En se faisant le chantre d’une nature démesurée, celui-ci réagissait fortement à l’industrialisation croissante de sa patrie, aux pollutions qu’elle engendrait, ce qui rejoint bien des préoccupations actuelles. Nombreux sont les artistes plus contemporains qui l’accompagnent dans cette exposition à partager cette inquiétude, comme Olafur Eliasson, écologiste convaincu, et il semble que les choix de la commissaire se soient en partie effectués sur cette base. Mais juxtaposer tant de talents différents est un exercice difficile, surtout en ce qui concerne l’accrochage.
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